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REGLES A CARACTERE HISTORIQUE  1825-1943

Essai de datation des règles à calculer
LENOIR   -   GRAVET-LENOIR   -   TAVERNIER-GRAVET

Introduction

La contribution française à l’histoire et au développement des instruments de calcul est méconnue. Pourtant elle fut importante dans le domaine numérique des machines à calculer avec les noms de Pascal, Thomas de Colmar, Léon Bollée …Elle fut même essentielle dans le domaine analogique, en particulier pour ce qui concerne les instruments de calcul basés sur les propriétés des logarithmes.

Parmi les grands concepteurs et fabricants français de règles à calcul, on peut citer les noms de Mannheim, Péraux, Beghin, Morin, Barbotheu, Marc, Damien et plus tardivement mais aussi renommé celui de Graphoplex..

Il en est un, ou plutôt, il est une lignée de noms dont l’histoire est intimement liée aux inventions et aux développements de cet instrument : il s’agit de la Maison Tavernier Gravet (T.G.). « Tavernier Gravet furent, en effet, les premiers constructeurs de règles à calcul du monde » lit-on dans une notice et un livre T.G. Leur Société fut fondée à Paris en 1770 et a poursuivi son activité durant deux siècles jusque dans les années 1970. Sa production fut très importante, originale et variée, puisqu’elle a proposé à sa clientèle plus de 300 types de règles.

Le fondateur de cette lignée de fabricants est Etienne Lenoir (1744-1832), ingénieur du Roi, fabricant renommé d’instruments scientifiques. Lui ont succédé son fils, Paul-Etienne, puis Gravet vers 1827 et enfin Tavernier vers 1867.

Le but de cette collection est de recueillir et présenter un échantillon de ces règles, intéressantes plus sur le plan historique que sur le plan technique ou de la sophistication des échelles.

Il est évident que cette collection ne constitue qu’un embryon et que toute information, photographie ou référence sera la bienvenue.

Essai de datation

Grâce aux informations tirées de certaines collections, il nous est apparu intéressant d’essayer d’encadrer les dates de fabrication de ces règles en les passant au crible de plusieurs critères :

  1. Le nom du fabricant
  2. Les adresses
  3. Les medailles decernées
  4. Le materiau utilisé
  5. Les types des règles et d'échelles
  6. Les types de curseur

1- Le nom du fabricant

Le fondateur de la lignée est Etienne Lenoir (1744-1832), ingénieur du Roi, fabricant renommé d’instruments scientifiques. Il conçut, en particulier, vers 1780 une première machine à diviser, puis en 1825, une seconde « utilisant une méthode toute française ». Cette machine permettait de diviser simultanément jusqu’à 8 règles de 25 cm Il est intéressant de noter que toutes les règles conçues avec cette machine présentent 2 encoches aux 2 extrémités qui servaient à leur prise..

On peut en tirer une observation : toute règle classique en bois du 19 ème ne présentant pas ces encoches n’est pas une T.G

La réciproque n’est pas vraie car nous possédons une Barbotheu et une Morin qui présentent, elles aussi, ces encoches (nous soupçonnons ces fabricants d’avoir, dans certains cas, confié à T.G. la division de certaines de leurs règles).

Paul-Étienne Lenoir (1776-1827, fils du précédent) a également conçu une machine à diviser dans les années 1820 : « J’ai annoncé en 1819 des règles logarithmiques propres à faire toute espèce de calcul avec promptitude et sans chiffrer. Depuis cette époque j’ai terminé mes nouvelles machines propres à la fabrication de ces règles, et notamment pour la division, ce qui offrait des difficultés, ayant plus de quatre mille divisions exactes à faire sur chacune, et toutes à des distances inégales données par de rigoureux calculs (des femmes exécutent tout ce travail)… »

Ont succédé à Etienne Lenoir et à son fils (décédé avant son père), Gravet puis Tavernier. Un ou plusieurs de ces noms apparaissent souvent au dessus ou au dessous des échelles, au recto ou au verso de la règle. Grâce aux collections déjà citées, on peut avancer les fourchettes de dates suivantes en fonction de la présence d’un ou de plusieurs de ces noms :

c. 1820 – 1827 Lenoir (La date de 1770 semble correspondre à la date de fondation de "la Maison"; 1820 au début de la fabrication des règles à calculer)

c. 1827 – 1867 Gravet Lenoir (ou Gravet successeur de Lenoir)

c. 1867 – 1972 Tavernier Gravet (ou successeur de Gravet Lenoir), parfois Tavernier Vinay

2- Les adresses

Lorsqu’elles sont indiquées, elles constituent un repère facile et fiable.

Les fourchettes des dates suivantes sont approximatives :

    De 1817 à 1828 : 310 puis 340 rue Saint Honoré

    De 1828 à 1866 : 14 rue Cassette

    De 1867 à 1881 : 39 rue de Babylone

    De 1881 à 1939 : 19 rue Mayet

    De 1939 à 1965 : 24 rue Héricart

    De 1965 à 1972 : 130 rue de Javel

3- Les medailles

Parmi la centaine de règles T.G. examinées, nous n’avons rencontré que les 3 médailles d’or ci-après. On peut penser que ces distinctions concernant l'ensemble de la fabrication T.G. (à l’instar de la médaille de bronze de 1844 décernée à Gravet ), ou étant jugées insuffisamment honorifiques, n’ont pas été systématiquement reportées sur les règles.

Lorsqu’une ou plusieurs de ces dates sont indiquées, elles constituent évidemment un repère facile et fiable :

    1878 Médaille d’or (à l’exposition universelle de Paris)

    1889 Médaille d’or (à l’exposition universelle de Paris)

    1900 Médaille d’or (à l’exposition universelle de Paris)

A partir d’une certaine date (peut être entre 1908 dernière règle examinée avec médailles indiquées et 1912 première règle examinée sans médaille) ces médailles ne sont plus portées.

4- Le matériau

 - buis : seule matière utilisée jusque dans les années 1880, souvent jusque dans le premier quart du XXème siècle

- celluloid : il fait son apparition en Allemagne (chez Dennert & Pape en 1886) d’abord sous forme de plaques recouvrant le bois.

Deuxième observation toute règle comportant du plastique est postérieure à 1886

5- Quelques types de règles caracteristiques el leurs échelles

Nous indiquons les dates des premières apparitions (lorsque nous les connaissons) des types de règles T.G. les plus commercialisées, en reprenant, pour les échelles, la notation de Peter M..Hopp. Ces notations n’existaient évidemment pas au XIX ème siècle

     1820 Type Soho avec les échelles A / B (1 à 100), B (1 à 100) / D (1 à 10)

     1851 Type Mannheim A/B (1 à 100), C / D (1 à 10) // S, L, T

     1882 Règle Tscherepaschinski (reprise par Beghin ci-après)

     1883 Règle Péraux à 2 réglettes (double Mannheim)

     1894 Règle Béghin A, CF / DF (échelles décalées), CI, C / D, K (1 à 1000) // S,L,T

     1925 Règle Rietz K (1 à 1000) A / B, CI, C/D, L (logarithmes)//S, S&T, T

     1934 Règle Darmstadt K, A /B, CI, C /   D, Sin, Cos // LL0, LL1, LL2

 c. 1938 Règle Commerciale

 c. 1938 Règle d’électricien

     1942 Règle Barrière

6- Les types de curseur

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Les règles de type Soho (voir paragraphe 5) n’ont pas besoin de curseur. En effet, les calculs peuvent se faire en restant sur les 2 échelles supérieures (mêmes doubles cycles logarithmiques pour effectuer les multiplications, divisions…) ou les 2 échelles inférieures (cycles logarithmiques différents car double et simple pour effectuer les carrés, racines carrées…). Elles peuvent, mais ce n’est pas obligatoire avoir un bouton poussoir permettant de faire glisser plus facilement la (ou les) réglette(s). Ce type de règle, moins onéreux à fabriquer que les règles de type Mannheim (voir paragraphe 5), se rencontre jusque dans les années 1900.

6-2

En revanche, les règles de type Mannheim dont sont issus tous les autres types de règles, nécessitent l’emploi d’un curseur pour passer des échelles supérieures (comportant les 2 mêmes cycles logarithmiques) aux échelles inférieures (comportant le même simple cycle logarithmique) et réciproquement.

Nous possédons une chronologie des différents types de curseur, extraite d’un livre publié par la Maison Dennert et Pape à l’occasion du centenaire de la Maison Aristo (1862-1962 : « la plus vieille fabrique allemande de règles à calculer »).

Troisième observation : toute règle possédant un curseur est postérieure à 1851. Là non plus, la réciproque n’est pas vraie (des règles sans curseur peuvent être postérieures à 1851).

Les règles T.G. possèdent entre 1875 ( ?) et 1925 ( ?) un curseur composé d’un cadre métallique asymétrique, entourant une vitre présentant un repère à cheveu ou gravé .

7- Conclusion

Ma génération de « jeunes retraités » a conscience d’avoir vécu une évolution extraordinaire dans le domaine du calcul. En effet nous avons connu et utilisé:

            1- « l’informatique manuelle » avec en particulier le calcul au moyen d’abaques ou le calcul analogique avec les règles à calcul.

            2- L’informatique lourde centralisée

            3- L’informatique répartie

            4- La micro-informatique

            5- Le réseau planétaire (www)

Conscient des imprécisions et imperfections de cet essai, je formule le vœu que ce travail soit poursuivi et enrichi.

8- Bibliographie

Berché (P)et Jouanneau (Ed) « Apprenez à vous servir de la règle à calcul » 1959

Cajori (Florian) «History of the logarithmic slide rule » 1909

Daumas (Maurice) « Les Instruments scientifiques aux XVII et XVIII » 1953

Dennert & Pape « Aristo 1862-1962 » 1962

Hopp (Peter M.) « Slide rules Their History, Models, and Makers » 1999

Jezierski (Dieter von) « Slide rules A Journey through three centuries » 2000

Marguin (Jean) « Histoire des Instruments et machines à calculer » 1994

Peraux (E.) « Instructions sur la règle à calcul » 1893

Turner (A.J.) « Etienne Lenoir and…instrument-making in France 1760-1830 » 1989

Notice accompagnant une règle à calcul T.G.

Livre non daté « Instructions concernant l’usage des règles à calcul T.G. »

Journal de la Oughtred Society Vol 11 2002

Catalogue du musée du C.N.A.M. Section A Instr. et machines à calculer 1942

Marcellin Dictionnaire des fabricants français d’instruments de mesure du XV au XIX ème   2004

(Note écrite en 2005, revue en 2009)
Etienne Pommel

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